se rembrunit soudain. Le lendemain dans les journaux les articles qui célébraient le jour de l'Indépendance voisinaient avec ceux qui nous apprenaient que Gamal Abdel Nasser avait massé ses troupes face à notre frontière.

Les motifs de Nasser nous resteront toujours mystérieux. Pour ma part, l'explication la plus vraisemblable me semble être celle-ci: Nasser était sûr que nous allions attaquer la Syrie pour renverser le régime de Damas, jugé trop pro-soviétique par les Américains. Il lui fallait réagir, s'il ne voulait pas perdre à tout jamais sa position de défenseur du monde arabe. De plus, il a dû voir dans cette opération spectaculaire, qu'il croyait sans danger, l'occasion rêvée de relever sa popularité et de retrouver son prestige.

Les craintes de Nasser étaient en partie justifiées, puisque nous allions en effet attaquer la Syrie. Le monde en avait même été informé par la bouche de notre Premier ministre la veille du jour de l'Indépendance. Nous pensions que les Syriens entraînaient les terroristes sur leur sol, et nous ne voulions plus du terrorisme. Mais il n'entrait pas dans nos intentions de servir les Américains en attaquant, à travers la dictature syrienne, l'idéologie socialiste.

Des deux côtés pourtant on était mûr pour la guerre. Les événements des trois dernières générations avaient marqué les esprits. Comme tous les Arabes, Nasser eSt persuadé qu'Israël eSt une création de l'impérialisme occidental, et que ce sont les intérêts occidentaux seuls qui nous mènent. Or nous menacions la Syrie, et l'Amérique avait intérêt à la chute du régime syrien. Donc nous obéissions à un plan américain.

En ne comprenant pas que notre seul but était de nous débarrasser du terrorisme, Nasser fit sa première faute. Il aurait pu, par exemple, tout en concentrant ses troupes dans le Sinaï, demander aux organisations terroristes arabes et syriennes de mettre un terme à leur guérilla. Les Israéliens auraient alors compris que la présence des troupes égyptiennes dans le Sinaï lui servait seulement à jouer son rôle de leader modéré. Mais il choisit de nous menacer et de nous interdire d'attaquer la Syrie. C'était ne tenir aucun compte des motifs qui nous poussaient à le faire. En somme il nous disait: " Si vous ne laissez pas les terroristes vous envahir, je vous détruis. " C'eSt ainsi du moins que nous l'entendions en Israël. Il faut dire qu'un abîme d'incompréhension séparejles deux pays.

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