réalisé que la Palestine n'était qu'une fraction d'une vaSte région peuplée d'Arabes? Aurait-il trouvé la voie de la coexistence avec ceux qui considéraient aussi la Palestine comme leur pays? Ce sont des questions Stériles. Herzl ne pouvait être qu'Européen, car ses idées apportaient une réponse à des problèmes spécifiquement européens. Et si Herzl n'avait pas existé, les aspirations des Juifs d'Europe de l'Est auraient inévitablement suscité un autre apôtre qui aurait apporté la même réponse.

Et cela se vérifie. Peu avant sa mort (survenue en 1904, à la suite d'une crise cardiaque) Herzl faillit renoncer au projet palestinien qui s'avérait très difficile à réaliser. Il accueillit favorablement l'offre britannique, en 1903, d'un territoire de cinq mille kilomètres carrés, l'Ouganda. Mais quand il soumit cette offre aux sionistes, elle fut repoussée dans l'indignation générale (imaginons ce qu'aurait été de nos jours une guerre d'un Ouganda-Israël face aux armées unies de l'Afrique!).

Né en ce lieu et en cette époque, le sionisme ne pouvait être autre. Il était bien trop préoccupé par la réalisation de son grand projet national et social, par le sort qui menaçait les Juifs d'Europe, par de violents débats avec les assimiliationniStes, les communistes et autres rivaux pour s'intéresser à cette terre inconnue où devait s'ériger la nouvelle Jérusalem.

Les sionistes contemplaient le passé du peuple juif, non le paysage palestinien. Sion, bien que toute petite colline de Jérusalem devint un symbole religieux, le lieu d'où viendrait la parole divine. La magan David l'étoile du bouclier de David, symbole emprunté à la synagogue et aux pierres tombales, devint l'emblème du mouvement. Le drapeau blanc à rayures bleues n'était que la transcription du châle de prières juives, le thaled. Bien plus tard, quand le nouvel État eut à créer ses armoiries, il choisit la menorah, le chandelier à sept branches du Temple. Dans tout cet univers de symboles, il n'y avait guère de place pour la période non-hébraïque de l'histoire de la Palestine, pas plus que pour l'héritage glorieux des autres nations sémitiques sœurs. Le sionisme ne tint pas compte des splendeurs du passé palestinien. Aujourd'hui cela peut apparaître comme un étrange manque de vision historique, mais à l'époque, cela semblait tout naturel, si naturel que cela ne pouvait être autrement.

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