4. Jeunes Turcs, vieux Juifs

Il y a dans un vieux film américain une scène célèbre où l'on voit deux trains bondés d'hommes vociférants s'ébranler sur une même voie et s'élancer l'un contre l'autre. C'est quelque chose d'approchant qui s'eSt passé en Palestine. Au moment même où les prophètes du sionisme se manifestaient en Europe de l'ESt, de jeunes intellectuels orientaux faisaient un rêve, celui d'une nation arabe ressuscitée qui se lèverait et rejetterait le joug turc.

En 1862 paraît Rome et Jérusalem de Moïse Hess. Six ans plus tard, le poète Ibrahim Yazeji lance son émouvant cri d'appel " Réveillez-vous, Arabes, dressez-vous! En 1880, les murs de Beyrouth se couvrent des premières affiches révolutionnaires, qui réclament l'indépendance de la Syrie (en y incluant la Palestine) et proclament: " Nous frapperons par l'épée, par l'épée nous vaincrons. " En 1882, Léo Pinsker publie Auto-émancipation et pose un jalon de plus sur la route du sionisme.

Tandis que se tiennent des meetings fiévreux dans toute l'Europe centrale, tandis que de jeunes intellectuels juifs dressent en Europe de l'ESt les plans de leur nouvelle vie, intellectuels et officiers arabes s'unissent en Palestine et à Beyrouth pour conspirer contre les occupants turcs. Aucun de ces deux groupes n'avait la moindre idée de l'existence de l'autre.

C'eSt ici que l'on eSt tenté de dire " si seulement... " On peut bâtir à l'infini des hypothèses sur cette simple éventualité. Si seulement les sionistes avaient pu prévoir la grande révolution afro-asiatique, si seulement ce peuple sémitique, de retour chez lui, avait été habité d'un amour fraternel pour les habitants sémites de la région? Si seulement ils avaient pris la tête de la lutte contre l'impérialisme, s'ils étaient devenus les leaders de la grande révo¬

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