exprimé dans des lettres et des rapports de l'époque. Il ne fut pas pris en considération en Europe d'où les chefs sionistes considéraient les affaires d'Orient en politiciens traditionnels. La base du mouvement sioniste se trouvait alors en Europe ainsi que le siège de ses institutions et la grande masse de ses adhérents (on peut se demander d'ailleurs pourquoi la direction sioniste n'avait pas été transférée en Palestine). Bien sûr, la colonisation n'était encore qu'un aspeCt secondaire du sionisme et l'objeCtif majeur restait l'obtention d'une charte internationale pour l'établissement d'un Home national en Palestine. Mais il faut dire aussi que la majorité des sionistes d'alors ne goûtaient, pas plus que ceux d'aujourd'hui, la perspective d'abandonner leur existence confortable pour une autre, plus difficile.

Après la mort de Herzl en 1904, un écrivain juif allemand, Max Nordau, devint la personnalité marquante du mouvement. Dans l'un de ses livres, Martin Buber raconte qu'un jour Nordau s'était précipité chez Herzl en criant: " Nous sommes en train de commettre une injustice "; il venait d'apprendre l'existence du peuplement arabe en Palestine. Cependant, il faut croire que Nordau s'eSt bien rétabli de ce choc. Voici ce qu'il dit en 1907, lors du Septième Congrès sioniste:

" Les Arabes subissent en ce moment l'attraCtion d'un mouvement dangereux pour la Palestine... Il se pourrait que le gouvernement turc soit amené à défendre ses droits par la force et à employer les armes contre ses propres sujets. Dans une telle éventualité ne serait-il pas important pour la Turquie d'avoir en Palestine et en Syrie l'aide d'un peuple fort, bien organisé qui saurait à l'occasion défendre l'autorité du sultan contre toute attaque?... "

Ainsi Nordau offrait-il ses services au sultan en déclarant la guerre au mouvement national arabe. En optant pour les Turcs, les sionistes n'étaient pas plus poussés par la haine des Arabes que par une sympathie particulière pour l'impériahsme. Mais la conjoncture dans laquelle ils se trouvaient à ce moment les amenaient naturellement à prendre cette décision, lourde de conséquences. Quatre ans plus tard, après la révolte des" Jeunes Turcs ", Nordau s'expliquait ainsi devant le Neuvième Congrès sioniste de Hambourg: " La terre sainte de nos pères, cette terre où nous avons mis tous nos espoirs, fait partie de l'Empire ottoman. Ses rives, ses frontières

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