sont gardées par des soldats turcs. Les clés de notre demeure sont aux mains des Turcs. Il eét donc tout naturel que nous nous tournions vers la Turquie, comme l'aiguille de la boussole va vers son pôle magnétique. " Une politique différente, conforme à celle que préconisaient quelques isolés à Constantinople, aurait irrémédiablement fermé la porte à toute immigration juive. Les sionistes européens pouvaient-ils prévoir que, quelques années plus tard, l'Empire ottoman s'effondrerait et que lej nationalisme arabe prendrait une telle importance? L'auraient-ils prévu, pouvaient-ils faire autrement, et exposer les premières colonies juives aux réactions brutales du gouvernement turc? Pouvaient-ils risquer une interruption de l'immigration juive simplement pour établir avec les Arabes des relations hypothétiques? Pouvaient-ils lâcher la proie pour l'ombre?

Seuls des hommes d'État de la trempe d'un Bismarck ou d'un Lénine auraient joué cette carte en se fiant à leur intuition ou à la sûreté de leur analyse. Les chefs sionistes, eux, choisirent le chemin le plus facile.

Du côté arabe, bien que de façon moins évidente, on était aussi placé devant un dilemme. Fallait-il résister à l'inStallation des Juifs par tous les moyens ou conclure un paéte avec eux pour obtenir leur aide contre les Turcs? A cette époque, plusieurs chefs arabes penchaient pour la dernière solution. Ils tentèrent d'établir des contaâs avec les dirigeants sionistes (ce qui n'était pas encore un crime de haute trahison). Quelques mois avant que Nordau ne choisisse de se lier aux Turcs, le délégué sioniste à Constantinople avait eu une série d'entretiens avec deux députés arabes (de Jérusalem) au nouveau Parlement turc. L'un deux avait souligné la communauté d'intérêt entre Arabes et Juifs. Il avait rappelé leur origine commune et insisté sur leur commune opposition aux Turcs.

De telles façons de voir étaient plutôt rares à l'époque. Il existait toutefois des comités nationaux arabes qui, à Beyrouth et au Caire, mettaient au point des propositions de base pour une coopération. Ils considéraient les Juifs comme d'authentiques Syriens rapatriés, les frères de race des Arabes syriens qui avaient émigré aux États-Unis ou en Amérique latine au cours du xixe siècle. Il eSt difficile

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