aujourd'hui d'évaluer l'importance de ce mouvement et des hommes qui le suivaient et qui furent sans doute une minorité. Il n'eât pas du tout sûr que l'ensemble du mouvement national arabe aurait accepté de telles idées, même si elles avaient réellement été formulées par le mouvement sioniste. En tout cas, la question ne se posa pas puisque jamais les milieux dirigeants du sionisme en Europe ne proposèrent rien de semblable.

Jusqu'à la première guerre mondiale, qui bouleversa la situation, l'indécision persista dans son ensemble. Aucune action d'ordre militaire ou politique n'avait été entreprise contre l'immigration juive. Jusqu'à la première guerre mondiale, il existait donc une possibilité théorique de fusion entre les nationalismes sioniste et arabe, possibilité qui ne fut jamais explorée.

On doit reconnaître que c'était aux sionistes qu'il revenait de prendre une telle initiative. Ils étaient une force nouvelle sur la scène palestinienne. Ils agissaient; les Arabes se contentaient de réagir. Ce furent les sionistes qui créèrent par leurs options politiques une situation que les Arabes ne pouvaient tolérer. Mais si l'on considère les événements dans une perspective historique, on peut difficilement blâmer les nouveaux arrivants. Ils luttaient avec un héroïsme quotidien sur tous les plans: pour gagner du terrain, pour s'implanter dans ce nouveau pays, pour transformer en agriculteurs une génération d'intelleètuels, pour mettre sur pied un embryon d'armée, pour se défendre contre la maladie et la faim. Le nationalisme arabe tenait alors vraiment peu de place dans leurs préoccupations. Peut-être pensaient-ils qu'il s'estomperait avec le temps.

Négligeant les Arabes, les dirigeants sionistes recherchèrent l'appui d'une grande puissance mondiale. Herlz lui-même n'avait jamais rêvé son État juif comme un fait accompli. Il pensait en termes de grande entreprise coloniale, de Compagnie à charte. Son but était de faire du mouvement une grande société avec des Statuts comme les autres, mais qui serait différente de toutes les autres parce qu'elle ne serait pas possédée par des capitalistes, mais par tout un peuple. C'était une belle idée, imposante dans sa naïveté.

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