force était basée sur leur puissance militaire et sur l'importance de leur rôle économique. En ceci ils ressemblaient à certaines organisations de partis israéliens modernes basées sur les kib-boutzim et sur une multitude d'entreprises économiques qui leur confèrent au sein du gouvernement une importance abusive. On pourrait continuer à établir des comparaisons, jusque dans les moindres détails. Le roi Baudouin était-il après tout si différent du vieux David Ben Gourion? Qui ressemble plus à Moshé Dayan que Renaud de Châtillon, ce " faucon " du royaume qui razziait les caravanes musulmanes, cet homme qui finit par être si intolérable aux Arabes que Saladin en personne jugea nécessaire de le faire décapiter?

Les sionistes rejettent ces analogies en bloc, et voient une différence décisive dans le fait que les Croisés n'ont jamais représenté la majorité dans leurs propres États, n'étant rien de plus qu'une mince couche de conquérants plaquée sur la population indigène. Objection contestable. Si l'on inclut dans la société des Croisés les chrétiens orientaux autochtones, alors les Croisés semblent bien avoir été majoritaires. Si d'autre part Israël annexe les nouveaux territoires occupés, la société hébraïque pourrait bien ne pas tarder à être en minorité dans son propre État. Les Croisés conStituaient-ils une nation, implantée en Palestine, au sens où l'eSt le nouvel État hébreu? Il eSt bien sûr difficile de parler de " nation " à une époque où la notion même de nationalité était inconnue et inconcevable. J'utilise ici le terme dans le sens d'une communauté qui se considère comme une entité diStinâe, attachée à un territoire particulier.

Ceux des Croisés qui étaient des Sabras (comme nous appelons aujourd'hui les Juifs nés en Israël), depuis huit générations se considéraient-ils comme des Palestiniens destinés à vivre et mourir dans leur pays, ou plutôt comme des Francs ou des Germains servant sur des terres lointaines et pouvant à tout moment retourner dans leur pays d'origine? Tout porte à croire que beaucoup de descendants de vieilles familles de Croisés établies de longue date, et certainement les chrétiens orientaux, considéraient vers

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