la fin du xine siècle la Palestine comme leur vraie patrie. Mais cela n'a rien de comparable avec la nation israélienne et son farouche sentiment d'enracinement, avec sa nouvelle langue unissant des immigrants venus du monde entier.

Runcinan conclut son Histoire des Croisades en des termes inoubliables:

" Outremer, c'eSt ainsi que les Européens appelaient les États des Croisés, était constamment enfermé dans un dilemme. Il avait été fondé grâce à un mélange de ferveur religieuse et de soif de terre et d'aventure. Mais s'il lui fallait durer sainement, il ne pouvait rester indéfiniment dépendant de l'OueSt, en hommes et en argent. Il devait assurer sa propre existence économique. Et il ne pouvait y arriver qu'à condition de s'entendre avec ses voisins. S'ils étaient amicaux et prospères, lui aussi serait amical et prospère. Mais rechercher l'amitié des musulmans semblait aux Croisés une trahison complète à leur idéal. Quant aux musulmans, ils ne pouvaient accepter l'idée même de la présence d'un État intrus et étranger dans ce qu'ils considéraient comme leurs terres. Les Croisés, il eSt vrai, accumulèrent les fautes. Leur politique était changeante, timorée. Mais on ne saurait les blâmer de n'avoir pas trouvé de solution à un problème qui en fait n'en avait pas. "

Runciman montre pourtant que même parmi les chevaliers de la Croix, il s'était dégagé une tendance favorable à l'intégration du royaume au Moyen-Orient, qui luttait pour faire de l'État des Croisés un partenaire du monde arabe. C'est exactement l'idée que nous exprimons en ce moment en Israël - avec, semble-t-il, plus de chances de succès, car les sionistes et leurs descendants ne se sont jamais figuré qu'ils avaient pour mission sainte de combattre les Arabes. Au contraire, la plupart d'entre eux pensent sincèrement que l'animosité des Arabes à l'égard de leur État repose sur un déplorable malentendu. C'eSt là, bien sûr, une illusion; mais le simple fait que cette illusion puisse exister montre la différence fondamentale. Les Croisés étaient, eux, unanimes à penser que la guerre contre les musulmans était voulue par Dieu.

Aussi, sans trop négliger les connexions troublantes entre cette période des Croisades et l'avenir d'Israël, personne - ni

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