questions immédiates et pas seulement un livre de religion, de littérature ou d'histoire ancienne. Les nouveaux arrivants, tels que Ben Gourion, ne tenaient pas à savoir ce qui s'était passé en Palestine depuis la dernière rébellion juive sous Bar Kochba au premier siècle. La viâoire de l'Islam, les Croisades, l'invasion mongole, les batailles d'ibrahim Pacha et de divers autres chefs de tribu contre la domination ottomane, tout cela et les ruines qu'ils laissèrent, leur paraissait déplacé, même illégal, simples interruptions dans l'histoire de Eretz Israël. L'histoire, telle qu'on l'enseigne dans les écoles israéliennes, s'attarde d'ailleurs fort peu sur ces événements. Elle suit l'histoire des Juifs avec des yeux sionistes, laissant la Palestine à la destruction du Temple, la retrouvant avec la première altyah. Plus tard Ben Gourion fit supprimer les noms reliés à cette période historique jusque dans leur transcription étrangère. Aujourd'hui les visiteurs peuvent lire sur les panneaux indicateurs Yaffo au heu de Jaffa, Lod au lieu de Lydda, Tsfad au Heu de Safed, noms qui ont pourtant baigné la conscience chrétienne depuis les Croisades.

Donc en 1905, Jaffa et non Yaffo était une ville orientale pittoresque. Pour un amateur d'exotisme, c'était un enchantement. Le port ne pouvait recevoir que de petits bateaux de pêche. Les passagers arrivés de l'étranger devaient quitter leur navire et être transbordés dans de petites embarcations manœuvrées dangereu-ment par des Arabes musclés au vocabulaire riche en injures et en imprécations dont la langue arabe - Dieu merci - est si richement pourvue.

" ESt-ce là Eretz Israël, la terre de nos pères?" se demanda David Green. Ce speélacle offensait ses yeux, ses narines, ses oreilles. Les odeurs fortes, la cacophonie arabe peu familière, la ville sale, les échoppes sans vitrines, tout cela le choquait, le dégoûtait. Il constata avec irritation que pas un seul travailleur juif ne se trouvait dans le port. Les Juifs de cette ville, les anciens comme les nouveaux immigrants, vivaient mêlés à la population arabe.

Le jeune homme venu de Plonsk n'était pas du tout préparé à ce speétacle. Ce fut pour lui un choc terrible dont Ben Gourion ne se remit jamais complètement. Plus tard, au cours de sa vie, il apprit plus ou moins bien sept langues (il racontait qu'il s'était mis à l'étude de l'espagnol dans l'unique but de lire Don Quichotte

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