Autre élément d'inquiétude: les États-Unis, alors le principal allié d'Israël, commençaient à témoigner beaucoup d'amitié au nouveau régime égyptien qui avait jeté en prison les chefs des trois petits partis communiâtes du pays pour la plus grande joie de John FoSter Dulles. Le jeune diplomate américain Henry Byroade, longtemps responsable des Affaires du Moyen-Orient au State Department venait de déclarer qu'il était plus important d'armer les Arabes que les Israéliens. Les choses allaient vraiment trop loin.

De toute évidence, il était urgent d'agir. Mais, d'accord avec Ben Gourion sur son évaluation de la situation, le gouvernement ne le fut pas sur les moyens à employer. Aucun homme occupant un poSte officiel en Israël ne pouvait contredire ce credo sioniste: " Les Arabes ne^veulent pas la paix. Le nationalisme arabe eSt une menace inhérente à Israël. Le soutien des puissances occidentales eSt important pour la sécurité du pays. La supériorité de l'armée israélienne eSt la condition même de son existence. " Ces convictions sont des éléments constitutifs du cercle vicieux.

En jetant un coup d'œil en arrière, on peut se demander pourtant si, dans le cas d'Abdel Nasser, de telles affirmations étaient fondées.

Bien des années avant que le magazine Times fit à Nasser les honneurs de sa couverture, je fus invité à prendre une tasse de café par un ami à moi, d'origine yéménite, Yéroucham Cohen, un ancien officier de la Haganah, plein de finesse. A cette époque Yéroucham était étudiant à l'Université hébraïque de Jérusalem et habitait une petite chambre sur le toit d'un immeuble de sept étages sans ascenseur. Il me conseilla d'ignorer Naguib et les autres officiers du Conseil révolutionnaire égyptien et de concentrer mon attention sur Gamal Abdel Nasser. C' eti P homme à suivre, me dit-il, je suis certain que c'eft le seul qui compte.

Pourquoi? " Il se trouve que je le connais ", me répondit-il. Et il me raconta son histoire qui me parut d'abord invraisemblable.

Pendant la guerre de Libération de 1948, Yéroucham était l'adjoint du général Yigal Allon, commandant israélien sur le front du sud. Une brigade égyptienne fut encerclée et isolée dans

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