1

D'un seul coup, la peur s'installe.

Nous sommes à Beyrouth, déchirée par la guerre, pris dans un embouteillage monstre entre les deux parties de la ville. Nous avons traversé les lignes de trois armées, les Israéliens, les phalangistes, et l'armée régulière libanaise. Personne ne nous a posé de questions, peut-être parce que nous suivons la voiture d'une équipe de télévision allemande dont le chef agite des documents officiels. Mes yeux bleus et mon type nordique doivent avoir convaincu les Libanais que nous appartenons aussi à ce groupe.

Nous sommes noyés dans un flot de voitures qui avancent au pas. Beaucoup de Libanais qui se sont réfugiés dans la partie orientale, chrétienne, de Beyrouth, ont toujours de la famille et des affaires à l'ouest, dans la partie musulmane, et ils profitent de chaque arrêt des combats pour faire un bref aller-retour. Depuis les premières heures du jour, il n'y a pas eu de bombardements, juste quelques tirs de mitrailleuse.

Il fait très très chaud.

Tous les trois (Sarit Yichaï, la journaliste, Anat Saragusti, la photographe, qui font partie de l'équipe de mon magazine, et moi-même) sommes dans un taxi libanais loué pour la circonstance, n'osant pas utiliser notre voiture avec ses plaques israéliennes. Soudain nous comprenons qu'il n'y a plus moyen de reculer. Nous sommes coincés de toutes parts par la multitude de voitures progressant au ralenti.

A notre droite s'élève l'immeuble du Parlement, gardé par des gendarmes libanais, et à gauche, la masse imposante du célèbre Musée. Heureusement, nous ignorons qu'à l'intérieur se cache un avant-poste des forces de l'OLP.

Et voici que devant nous, à cinquante mètres, un gros monticule de terre bloque la route. Au sommet, des silhouettes menaçantes en kaki brandissent des fusils d'assaut Kalachnikov.

11