Il était exactement comme je l'avais vu si souvent à la télévision, et en même temps très différent. Au cours de mon existence, j'ai vu beaucoup de leaders politiques et de célébrités internationales, mais personne dont l'image publique soit aussi éloignée de son apparence réelle que celle de Yasser Arafat.

Il était plus grand que ce à quoi je m'attendais. La première chose que je remarquai, c'est que sa barbe était bien entretenue. Cette barbe de trois jours, qui est devenue son image de marque, est une illusion d'optique. Sa barbe est grise et noire. La caméra ne voit pas le gris, d'où l'aspect négligé.

La deuxième chose qui frappe, ce sont ses yeux. Sur l'écran de télévision, ils donnent une impression de fanatisme, voire de folie. En réalité, ils sont marron, très chaleureux, humides et doux comme ceux d'une biche. Il y a aussi de la douceur dans la bouche, dans les lèvres charnues. Les deux femmes ont également remarqué ses mains, petites et blanches, finement dessinées. Il portait une tenue de combat kaki, bien repassée, et sa célèbre casquette militaire.

Il s'assit sur le canapé, entre Sarit Yichaï ma correspondante, et moi-même, et à partir de là, tout devint très naturel, comme lorsque deux personnes se rencontrent et parlent, plaisantant et discutant à la fois. Son anglais était bon, mais pas parfait, et de temps à autre il demandait à ses amis de traduire un mot d'arabe.

A un moment, alors qu'il cherchait le mot anglais pour «conspiration», il le dit en arabe. Le poète palestinien Mahmoud Darwish le traduisit en hébreu, et je le retraduisis d'hébreu en anglais. Nous éclatâmes tous de rire.

Un peu plus tard, Sarit lui demanda s'il connaissait un peu d'hébreu. En riant il lui dit, dans cette langue:

- Je vous aime. Comment allez-vous?

- Vous voyez, c'est un célibataire, plaisanta Darwish. Pourquoi ne l'épousez-vous pas?

- N'allons pas trop loin! s'exclama Arafat. Mais au bout d'une seconde il ajouta:

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