- Après tout, si cela pouvait être une solution, pourquoi pas?

Il était facile d'oublier provisoirement que nous étions en pleine guerre, en pleine bataille. Arafat croyait alors, comme moi, comme presque tout le monde, qu'Ariel Sharon était résolu à attaquer Beyrouth-Ouest, à détruire les forces de l'OLP qui s'y trouvaient, et à le tuer, lui, Arafat. A cet instant même, des centaines de phalangistes et d'agents israéliens le cherchaient dans la partie occidentale de la ville. Il régnait dans l'air une sorte d'euphorie, celle que les gens éprouvent quand ils savent qu'ils peuvent mourir à toute heure, que leurs chances de survie sont restreintes, et que de toute façon cela ne dépend plus d'eux, mais d'Allah, ou de Dieu, ou tout simplement du hasard. Cette euphorie, je l'avais quelquefois ressentie quand je combattais en 1948.

Cette rencontre était vitale, la discussion aussi, même si parfois le ton devenait plus léger. Nous sentions que nous étions en train de faire l'histoire.

Pourtant, vingt-quatre heures plus tôt, je n'aurais pas osé imaginer cette rencontre.

Deux jours avant, j'étais arrivé à Beyrouth accompagné d'un officier appartenant au bureau de presse de l'armée israélienne, comme je l'avais déjà fait plusieurs fois depuis le début de la guerre. J'avais demandé qu'on me laisse seul dans la capitale libanaise avec mes deux collaboratrices, car je voulais interviewer des personnalités politiques. Bien que ce fût contraire aux habitudes de l'armée à cette époque, on m'avait accordé cette permission.

En arrivant au poste de commande de l'armée israélienne à Beyrouth, je rencontrai plusieurs journalistes étrangers qui séjournaient dans la ville. L'un d'eux, un caméraman de la télévision allemande qui m'avait un jour interviewé à Tel-Aviv, me proposa de me donner le numéro de téléphone d'hommes politiques importants, Bechir Gemayel, Camille Chamoun et quelques autres.

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