étaient pleines de gardes du corps armés. Quelqu'un prenait grand soin de nous protéger.

Même si Beyrouth-Ouest m'avait été familière, j'aurais eu du mal à trouver mon chemin. Nous suivions un itinéraire compliqué, sans doute pour que nous ne sachions pas exactement où nous étions. J'étais étonné de ce que je voyais. Après trois semaines de siège, de bombardements et de tirs d'obus, la vie continuait dans la ville. Des enfants jouaient dans la rue et dans les cours des écoles. Par endroits des combattants de l'OLP, certains très jeunes, creusaient des tranchées et posaient des mines. Une pensée me traversa l'esprit: elles étaient posées en vue d'une bataille contre mon peuple, contre mes amis, ma famille.

Le moral semblait bon. Ces soldats me rappelaient ma jeunesse, pendant la guerre de 1948, avant que l'Armée israélienne eût acquis une existence officielle: nous n'avions pas tout à fait quitté notre statut d'irréguliers, et n'étions pas encore une armée reconnue. Au cours de la journée j'eus l'occasion de parler avec quelques-uns des soldats et découvris qu'ils étaient tous dans un état d'euphorie mêlée de fatalisme. Ils s'attendaient à une attaque en règle à laquelle ils avaient peu de chances d'échapper, mais ils faisaient tout de même confiance au sort.

Les voitures s'arrêtèrent devant un immeuble assez élégant, avec un supermarché au rez-de-chaussée. On nous entraîna en haut, entourés de gardes du corps, et nous entrâmes dans un appartement. C'était là qu'Imad vivait avec les siens. Ils étaient tous là: sa femme, ses enfants, sa vieille belle-mère, et son frère, un officier du Fath, avec sa famille.

On déploya pour nous toute l'hospitalité orientale: le café fut servi, des cigarettes offertes. Mais l'atmosphère était tendue, surtout du côté des femmes.

Longtemps après, quand je rencontrai Imad à Tunis, il me raconta ce qui s'était passé. Il avait dit à sa femme qu'il attendait des Israéliens, des invités du président, et qu'elle devait jouer le rôle d'hôtesse. Elle s'était insurgée, et ce n'est qu'après une longue dispute qu'elle s'était laissée convaincre

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