qu'il fallait qu'elle le fasse pour le bien de la cause. D'ailleurs, elle s'était conduite très poliment, jusqu'au moment où nous lui demandâmes d'où elle venait. Elle répondit qu'elle était née à Jérusalem.

- Moi aussi! s'écria joyeusement Anat.

C'en était trop pour la femme d'Imad. Elle ne pouvait pas supporter l'idée que des Juifs soient également nés à Jérusalem. Elle se précipita dans la cuisine, et il fallut encore parlementer pour l'en faire sortir.

On reconnaît un chef à la manière dont ses subordonnés se comportent avec lui.

Au début, les compagnons d'Arafat s'apprêtaient à quitter la pièce, pensant que le président et moi souhaitions nous entretenir en privé. Mais les deux jeunes femmes m'adressèrent de nouveau des regards implorants. Sarit n'avait pas pris tous ces risques pour échanger des banalités avec les Palestiniens et leurs épouses dans une autre pièce, et j'avais besoin d'Anat pour les photos. Elle s'était accroupie à nos pieds et prenait cliché sur cliché.

Une autre considération entrait en jeu: je n'étais pas sûr qu'à mon retour je ne serais pas poursuivi. En effet, en vertu d'un article de loi, tout « contact avec l'ennemi » est un crime très grave, qui équivaut à de l'espionnage. Je voulais donc avoir deux témoins pendant toute la conversation. J'enregistrai aussi chaque mot au magnétophone. (Les bandes allaient d'ailleurs plus tard servir de preuves, quand une enquête criminelle fut ouverte contre moi sur ordre du gouvernement israélien.)

Nous étions donc assis au hasard dans la pièce, Arafat entre Sarit et moi sur le canapé, Anat sur le sol, trois ou quatre officiels sur des chaises autour de nous. Chacun plaçait son mot ou interrompait Arafat quand il le jugeait bon; entre-temps, on lui soumettait des papiers urgents à signer. C'était très peu protocolaire. Un Européen ou un Américain aurait eu peine à imaginer qu'une rencontre avec

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