meilleur des sites. Un État juif en Palestine, écrit-il, constituerait « une partie du rempart de l'Europe contre l'Asie », ajoutant: « Nous servirions d'avant-poste de la culture contre la barbarie. » Ces mots, mis là peut-être sans grande réflexion, sont pourtant très révélateurs. Herzl, à cette époque, avait sans doute très peu pensé à la Palestine comme à une entité réelle. Il savait probablement très peu de choses sur elle, sur ses habitants, sur sa signification géopolitique. Ce qu'il écrit n'est que l'écho inconscient de l'esprit de son temps.

Le Premier congrès sioniste, réuni à Bâle, en Suisse, en 1897, choisit finalement la Palestine comme emplacement du futur État juif. Or, de tous les militants juifs rassemblés en cette occasion solennelle, très peu étaient allés dans ce pays ou savaient à quoi il ressemblait. Pour eux, la Palestine était le pays de la Bible, l'image qu'ils en avaient était celle de la contrée où coulent le lait et le miel décrite dans les pages du Livre Saint. Les seuls pays qu'ils connaissaient étaient ceux d'Europe, la seule situation qui leur était familière, celle à laquelle ils essayaient d'échapper. A leurs yeux, la Palestine était vide. S'il y avait des habitants, ils ne possédaient pas d'existence réelle selon les critères du siècle dernier: c'étaient des Asiatiques, des barbares, des gens sans intérêt.

Ces braves gens réunis à Bâle n'imaginaient pas une seule seconde que pendant qu'ils créaient un mouvement destiné à changer le sort de leur peuple, un autre mouvement, tout à fait différent, naissait dans le pays auquel ils songeaient. Son but, d'abord vague et mal défini, se concentra au fil des années sur la renaissance de la nation arabe, son autonomie, sa liberté et son indépendance. La Palestine, alors petite province de l'Empire ottoman, faisait partie de la Syrie. Celle-ci appartenait au monde arabe, qui couvrait d'immenses territoires de l'Asie et de l'Afrique. Ces régions étaient sur le point de rejeter le joug des Turcs et d'accéder à l'indépendance nationale. Les Palestiniens et leurs voisins étaient engagés dans ce grand mouvement historique.

C'est là que se trouve l'origine de la tragédie. Deux

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