crottin. C'est comme ça que nous avons déjeuné ensemble.

Gamal Abdel Nasser et moi avons combattu pendant six mois sur le même front. En lisant ses mémoires, je me suis rendu compte que nous avions participé à des dizaines d'engagements communs. Il a été blessé dans une bataille pour laquelle ma compagnie a reçu une décoration collective. Il a été décoré pour une bataille au cours de laquelle j'ai été blessé. Presque tous ces combats étant livrés de nuit, nous devions être tout près l'un de l'autre, quelques mètres à peine.

Mais nous n'avons jamais été présentés.

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Je ne me souviens pas du moment où j'ai commencé à me sentir concerné par le problème palestinien.

J'ai grandi dans une rue qui était la frontière officielle entre Tel-Aviv et Jaffa. Les deux côtés de la rue étaient juifs, mais Jaffa, la ville arabe, commençait à quelques maisons de là. Les deux villes, juive et arabe, étaient en fait deux quartiers d'une même cité, mais elles étaient plus éloignées que si elles s'étaient trouvées sur des continents différents. Un Juif, à Tel-Aviv, pouvait passer des semaines sans voir un Arabe. Très peu se rendaient à Jaffa, et encore, uniquement pour les affaires qu'ils traitaient avec des Arabes. Les seules exceptions étaient Pessah, la Pâque juive, où de nombreux Juifs de Tel-Aviv allaient à Jaffa acheter du pain, introuvable chez eux, et Yom Kippour, où certains allaient dans la ville arabe pour manger.

Je quittai l'école à quatorze ans et trouvai un emploi chez un avocat de Tel-Aviv. Certains tribunaux et bureaux de l'administration étant à Jaffa, j'y passais quelques heures

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