central des Nations Unies à New York. Je n'oublierai jamais l'expression de stupéfaction qui se peignait sur les visages d'Abba Eban, alors chef de la délégation israélienne, et de son adversaire égyptien, chaque fois qu'ils passaient près de nous.

Au retour de ces rencontres, je fus reçu par Jean-Paul Sartre à Paris. J'étais accompagné par l'écrivain israélien Amos Kenan. Quand je parlai à Sartre de ces entretiens et de nos idées, il me dit cette chose mémorable: « Vous me soulagez d'un grand poids. Toute ma vie, j'ai soutenu le sionisme. Maintenant, il faut que je me taise: je ne peux pas soutenir la politique du gouvernement israélien, et je ne peux pas m'élever contre elle, parce que je me retrouverais dans le camp des gens que je déteste, les antisémites. » Il me demanda d'écrire un article sur mes théories dans Les Temps Modernes, qui fut publié.

Au début des années soixante, j'allais tous les ans à Florence, où le maire, le « petit professeur » Giorgio La Pira, donnait des conférences « méditerranéennes » dont le but réel était de permettre à des Israéliens et à des Arabes de se rencontrer. Ma présence déplaisait de plus en plus à Golda Meir qui fit la démarche sans précédent d'ordonner à l'ambassadeur israélien à Rome de protester, sur papier officiel de l'ambassade, contre le fait que je sois invité. Au cours de la dernière conférence à Florence, pendant l'été 1965, Golda Meir envoya l'un de ses fonctionnaires, David Hacohen, président du comité de la Knesset pour les Affaires étrangères et militaires, afin de mettre en garde les participants contre moi. Au plus fort de la discussion, alors que les Arabes et moi venions de présenter un projet commun de résolution, Hacohen s'écria, en proie à une agitation extrême:

- Avnery ne représente rien. Pas la plus petite fraction d'une fraction du public israélien!

Je voulus alors en avoir le cœur net. Quelques semaines plus tard, à la veille des élections pour la sixième Knesset, je lançai un appel pour la formation d'un parti, le premier parti réellement nouveau à voir le jour depuis la naissance

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