Je donne une conférence dans un kibboutz au sud d'Israël. Je parle de la paix, d'un Etat d'Israël intégré dans un Moyen-Orient uni et florissant, qui consacrerait ses ressources à la création d'une industrie de pointe plutôt qu'à la guerre.

Les gens du kibboutz m'écoutent poliment, avec attention, mais je les sens sceptiques. Pour eux, c'est de la science-fiction. Ils ne savent pas, ne peuvent même pas imaginer, ce qu'est la paix. La guerre fait partie de l'ordre des choses. Elle ne les effraie pas. Ils savent ce qu'ils ont à faire, comment se débrouiller. Tandis que la paix, cela dépasse leur compétence, les déconcerte, les inquiète peutêtre, comme tout ce qui est inconnu.

Après la conférence, je demande s'il y a des questions. Un jeune kibboutznik, qui a l'air d'un commandant de char de réserve, me demande posément:

- Vous voulez que nous renoncions à une grande étendue de territoire, à la richesse pétrolière du Sinaï, à nos frontières stratégiques, et à quoi d'autre encore? Qu'estce que nous obtiendrons en échange? Un bout de papier?

Je cherche désespérément une réponse qui frappe cet esprit pratique et réaliste. Comment décrit-on la paix en termes concrets?

- Ecoutez, lui dis-je, en ce moment même, dans des centaines de milliers d'écoles à travers tout le monde arabe, de Casablanca, au Maroc, à Mossoul, en Irak, il y a des cartes du Moyen-Orient. Sur toutes ces cartes, le territoire d'Israël est laissé en blanc, ou alors il est désigné sous le nom de Filastin al Muhtalla, * Palestine occupée ». La seule chose que nous demandions en échange de tout ce que vous avez mentionné, c'est que sur toutes ces cartes, ce territoire prenne le nom d'Israël.

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