Hammami, de même que d'autres habitants du quartier, devaient sur-le-champ évacuer la ville.

Dans la mémoire de Saïd, petit garçon de sept ans, l'événement s'est gravé de façon indélébile: le camion de la Haganah qui attendait dehors, sa famille qui rassemblait des objets personnels, le camion qui les transporta jusqu'à Beth Dagan, un village situé à une douzaine de kilomètres à l'est, qu'on appelle maintenant en hébreu Beth Dagon. On leur donna l'ordre de descendre.

- Trouvez un autocar arabe pour vous emmener à Gaza, leur dit l'homme de la Haganah.

Que restait-il à Saïd Hammami? Une vague image de Jaffa. Une grande maison qu'il ne revit jamais, mais dont il se souvenait clairement.

Les années suivantes, je rencontrai des dizaines de gens de l'OLP, à la base ou au sommet, et j'entendis beaucoup d'histoires semblables à la sienne. Elles étaient racontées par des hommes dont la patrie avait été conquise, et moi, membre de la nation conquérante, qui avait combattu dans cette guerre, je sentais le poids de leur drame. Il avait creusé un abîme entre nous, et nous essayions de le combler.

Quel est le sort d'un réfugié? Comment se passent ses années de jeunesse? Saïd Hammami n'a pas grandi dans un camp de réfugiés, comme tant d'autres. Il n'a pas souffert de la faim. Ses parents étaient riches, et ils avaient de la famille dans les pays voisins. Mais les blessures de l'âme sont souvent plus douloureuses que celles du corps. Il me racontait qu'il avait souvent été humilié.

A seize ans, en Syrie, il avait embrassé l'idéal du Baas (Résurrection), qui prônait la révolution pan-arabe. Un jour, la police secrète syrienne l'avait arrêté avec un groupe de ses camarades syriens. Ils furent tous relâchés après un bref interrogatoire, tous sauf Saïd, le jeune Palestinien.

Il fut battu, maltraité, insulté. « Sale Palestinien! criait le policier entre les coups. Tu as vendu ton pays aux Juifs, et maintenant tu viens ici détruire le nôtre? »

Hammami n'a jamais oublié cet épisode. Il en a été

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