Curieusement, Hammami ne m'a jamais dit qu'il avait été un combattant du Fath.

- Je ne suis ni un soldat ni un héros, me dit-il une fois. Je ne sais même pas tenir un pistolet.

Pourtant, j'appris plus tard par d'autres officiers de l'OLP qu'en fait il avait été commandant dans la section militaire du Fath, et de plus très respecté. Il avait pendant quelque temps commandé un camp près de Damas.

Le 21 mars 1968 fut une nouvelle date fatidique. Ce jour-là, l'armée israélienne avait organisé une attaque majeure contre Karameh, un village à l'est du Jourdain qui était devenu l'une des principales bases de la guérilla palestinienne. De nombreux chefs du Fath s'y trouvaient, dont Yasser Arafat. Il y avait aussi Saïd Hammami, et aussi, coïncidence, Issam Sartawi, qui ne le connaissait pas encore.

Voici comment Hammami me raconta l'histoire:

- Je dormais, lorsque soudain j'ai été réveillé par le cri: « Les Juifs arrivent! » Je tremblais de peur. Je ne savais que faire. Courir vers le Jourdain? Me cacher? Je regardai par la fenêtre et vis qu'il était trop tard. Une voiture blindée israélienne s'avançait dans notre direction sur la route. C'était la première fois depuis 1948 que je voyais des Israéliens. Brusquement, nos soldats ouvrirent le feu sur la voiture. Je vis les Israéliens sauter à terre, abandonner la voiture et leurs armes. Je me dis: « Ce ne sont que des êtres humains, pas des surhommes, tu peux te battre et remporter la victoire. »

Quand je racontai cette histoire au général Shamuel Gonen, qui avait participé au commandement de cette action, il me dit qu'elle ne pouvait pas être vraie.

- Aucune unité ne s'est enfuie. D'ailleurs, aucun tir n'a été échangé dans le village, tout s'est passé à l'extérieur.

Contradiction classique: dans une bataille, les témoignages ne concordent jamais.

La bataille de Karameh a représenté un tournant pour la conscience des Palestiniens. Avec l'aide de l'armée jorda¬

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