d'indignation populaire. Eban et Allon étaient également compromis en tant que membres du gouvernement. Le peuple voulait un homme nouveau, un chevalier revêtu d'une armure étincelante, qui ne fût pas entaché par le passé récent. Ezel Weizmann, ennemi de Rabin, et homme connu pour sa langue acérée, fit d'ailleurs remarquer:

- La seule qualification pour un Premier ministre à cette époque, c'était de ne pas avoir été présent en Israël pour Yom Kippour.

C'est ainsi qu'à sa grande surprise, Rabin se retrouva au pouvoir. On le salua comme le porteur d'étendard de la révolution sabra, le premier dirigeant né en Israël à assumer le pouvoir exécutif suprême. C'était le début d'une nouvelle ère. Tout serait reconsidéré. Tout allait changer.

Du moins nous l'espérions.

Itzhak Rabin est quelqu'un de renfermé, d'introverti, beaucoup plus que tous les hommes politiques que j'ai rencontrés. On lui reconnaît généralement un certain « esprit analytique », mais comme Abba Eban me l'a dit une fois un peu méchamment:

- Analyser signifie mettre les choses en pièces, pas les reconstruire.

Rabin ne parle jamais pour ne rien dire. Quand on me fit entrer dans son bureau, où il m'attendait déjà, il entama tout de suite une discussion sérieuse. Ce fut un plaisir intellectuel qui dura près de deux heures.

Dès le départ, il précisa sur quelle base se déroulerait notre entretien. J'agissais en tant que simple citoyen. Mais si, en tant que particulier, je rencontrais des personnages intéressants, et pensais que le Premier ministre devait être informé de ce qui se disait dans ces rencontres, il était tout indiqué que je lui en parle, et il serait toujours prêt à m'écouter. Il n'approuvait pas ces entrevues, mais il ne voyait pas d'objection à ce que j'y participe. En fait, il pensait qu'elles pourraient se révéler utiles.

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