Ne lançons pas aujourd'hui d'accusations contre les meurtriers. Qui sommes-nous pour nous plaindre de leur haine? Voici huit ans qu'ils nous voient, de leurs camps de réfugiés à Gaza, nous approprier la terre et les villages où ils ont vécu avec leurs pères... Nous sommes une génération de colons. Sans le casque d'acier, sans le canon, nous ne saurions planter un seul arbre ni construire une seule maison.

Ne reculons pas lorsque nous voyons fermenter la haine qui remplit la vie de centaines de milliers d'Arabes autour de nous. Ne détournons pas les yeux, afin que notre main reste ferme. C'est là le destin de notre génération, le choix de nos vies: soyons préparés, armés, forts et durs, sinon, l'épée glissera de notre poing et nous y laisserons la vie.

Je pense que toutes ces convictions, toutes ces allégations plus ou moins rationnelles ont une explication profonde. Les premiers sionistes croyaient, ou voulaient croire, que le nouveau foyer national juif serait fondé dans un pays vide. Quand il devint évident que ce n'était pas le cas, et devant l'opposition croissante des Arabes, ils continuèrent à faire comme si les Palestiniens n'existaient pas vraiment, comme si tout le problème avait plus ou moins été inventé par les ennemis du sionisme, et que tout le mouvement national palestinien était constitué d'une bande de terroristes. Au fond de l'âme israélienne se cache un sentiment de culpabilité, le sentiment qu'en rendant justice aux Juifs on a commis une injustice envers les Palestiniens. Il perturbe l'inconscient collectif, crée des blocages mentaux, et c'est à cause de lui que les hommes politiques et les historiens les plus sensés profèrent des sottises lamentables dès qu'il s'agit du problème palestinien.

Je suis convaincu qu'il faudra affronter directement ce problème éthique, y trouver une solution moralement acceptable, avant de parvenir à un règlement politique menant à la réconciliation. Jusque-là, il y aura conflit, non seulement entre deux peuples, mais aussi entre deux traumatismes nationaux: celui du Génocide et celui de l'exode palestinien. Aussi rationnelle que puisse paraître une discussion entre Israéliens, ou entre Palestiniens - et plus encore entre

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