- Comment, après avoir pris nos maisons, vous nous avez aussi volé notre cuisine? s'exclama-t-il.

Ce fut vers la fin, l'après-midi du deuxième jour, que survint le moment le plus intense.

Tous nos pourparlers avaient été assombris par les événements du Liban. L'armée syrienne, qui avait été appelée au Liban par le gouvernement de droite maronite pour l'aider à combattre la coalition des Musulmans, des Druzes et de l'OLP, avait régulièrement avancé en dépit de la résistance acharnée des forces palestiniennes. La situation semblait de plus en plus désespérée.

Et soudain, la radio annonça une grande nouvelle: le roi d'Arabie Saoudite était intervenu et avait posé aux Syriens ce qui équivalait à un ultimatum. Ils avaient cédé, sans doute parce qu'ils redoutaient aussi la bataille décisive qui était sur le point de se livrer dans les villes de Beyrouth et de Sidon. Les forces de l'OLP excellent dans ce genre de bataille, mais une armée régulière y est à son net désavantage, comme les Israéliens allaient l'apprendre six ans plus tard. On allait transiger. Le mini-État de l'OLP au Liban était sauvé, du moins pour le moment.

Les trois Palestiniens se laissèrent aller à leur joie et à leur soulagement. Nos hôtes apportèrent des bouteilles de champagne. Nous bûmes tous à la survie de l'OLP. Pour des Israéliens qui ne partageaient pas notre vision de l'avenir, qui n'étaient pas convaincus des avantages de la paix pour Israël, cette scène aurait paru incroyable, sinon scandaleuse.

Peu de temps après, nous nous séparâmes. Nous rentrions chez nous, les Palestiniens partaient aux ÉtatsUnis. L'un de nos hôtes m'emmena à Paris avec Jirys. Pendant le trajet, Sabri se livra à une analyse détaillée et pertinente des affaires libanaises, décrivant les différentes forces, les dirigeants, me racontant de nombreux événements qui s'étaient produits pendant la guerre civile. Ce fut une

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