besoin de fabriquer des avions ou des voitures. Mais vous, les Israéliens, qui êtes une grande nation, vous devez en produire, bien sûr.
Rien d'étonnant à ce que Kreisky soit devenu très impopulaire en Israël. Le fait d'être juif, mais pas sioniste, de se considérer comme autrichien, et de critiquer ouvertement Israël de manière souvent acerbe, en ont fait rapidement l'une des bêtes noires des Israéliens.
Je l'ai toujours soupçonné d'entretenir des sentiments ambivalents à l'égard d'Israël. Tout en faisant semblant d'en parler objectivement, comme de n'importe quel autre État, ce qui lui était d'ailleurs reproché en Israël, il était en fait profondément préoccupé par le sort de l'État juif, furieux de ses bévues, et de plus il souffrait des attaques brutales dirigées contre lui par la presse israélienne. Sans doute était-ce un soulagement pour lui de rencontrer au moins un Israélien qui partageât en partie ses vues.
A mesure que 1976 avançait, il était de plus en plus déçu par le Premier ministre Rabin. En fervent socialdémocrate, à l'autrichienne, il se sentait solidaire du Parti travailliste israélien, et il accusait Rabin d'être un mauvais militant, de négliger la politique du parti, et d'être un médiocre internationaliste, des crimes majeurs à ses yeux.
- Der Mann hat's nicht in sich! (à peu près: il n'a pas ce qu'il faut), me dit-il une fois.
Il ajouta que Shimon Pérès lui avait produit une impression favorable. Comme je n'avais jamais eu ni estime ni respect pour celui-ci, et que j'entretenais toujours l'espoir que Rabin pourrait être amené à changer d'avis sur le problème palestinien, j'essayai de servir de médiateur entre Kreisky et Rabin. J'écrivis plusieurs fois à ce dernier pour le presser de se comporter différemment avec Kreisky. Sans résultat.
J'eus une conversation avec le chancelier le 1er décembre 1976, deux jours après mon dernier entretien avec Abou Faysal à Paris. Je lui soumis l'idée d'une initiative internationale, sous son égide et celui de personnalités de plusieurs pays, et il me promit de l'étudier.