- Ils ne veulent pas vraiment d'un État palestinien, me dit Issam.

- Au bout du compte, vous vous apercevrez que votre seul véritable allié, c'est Israël, lançai-je.

- Et vous, que nous sommes vos seuls vrais alliés dans le monde arabe, répliqua Issam.

Bien entendu, nous ne parlions pas toujours de politique. Nous nous découvrions beaucoup d'intérêts communs. Par exemple, nous étions tous les deux passionnés par l'éthologie, l'étude du comportement animal en tant que moyen de comprendre les attitudes humaines. Nous avions tous les deux dans notre bibliothèque le livre de Robert Ardrey, l'homme qui avait popularisé cette science, et nous passions des heures à parler des répercussions de ses recherches.

Par exemple, l'un des cas cités par Robert Ardrey fournissait, à mon sens, une explication plausible pour le caractère israélien. Les castors français, paraît-il, ne construisaient pas de barrages, comme les autres. Au cours des siècles, leur nombre avait considérablement diminué. Quand les autorités françaises imposèrent des lois sévères pour la protection des castors, ils se multiplièrent rapidement, et se mirent à construire des barrages, sans avoir jamais vu leurs congénères le faire. Il est probable que l'instinct de construire des barrages était resté en veilleuse chez les castors de France, jusqu'à ce qu'une certaine densité de population ayant été rétablie, le vieil instinct avait resurgi.

Selon moi, il s'était produit quelque chose de comparable pour les Juifs. Pendant des générations, alors qu'ils vivaient dans la diaspora, leurs « instincts » politiques et militaires étaient restés en sommeil. Mais lorsqu'ils se concentrèrent dans un seul pays, ils se mirent à se comporter, en bien ou en mal, comme tous les autres peuples bâtisseurs de nations.

Étant tous les deux des admirateurs d'Arnold Toynbee, nous discutions aussi de sa manière de voir les Juifs. Nous n'étions pas d'accord avec son idée selon laquelle les Juifs sont les fossiles d'une civilisation morte. Pour moi, ce sont les

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