Le soir, nous dînâmes au Bab es Sama (Port du Paradis), le restaurant au huitième étage du Hilton. Ce fut une soirée parfaite, une de celles dont on se souvient longtemps.

Nous étions dans ce pays étranger, sur le point d'être reçus par le roi en présence d'un des plus hauts dignitaires de l'OLP. Enfin la situation évoluait. Nos longs efforts pour la paix, si décevants jusque-là, commençaient à porter des fruits.

Dans l'ambiance marocaine, nous nous détendîmes, essayant de choisir entre le couscous tfaïa (couscous aux oignons et aux raisins secs) et du charia madfouna (vermicelle cuit à la vapeur avec du sucre et de la cannelle), entre le bstila (feuilleté de pigeon) et le houte fassi (poisson entier mariné dans une sauce chermoula avec des poivrons farcis et des tomates). Nous faisions des projets. Tout paraissait possible. L'une des idées était de proposer Matti Peled et Issam Sartawi pour le Prix Nobel. En tant que membre du parlement, j'avais le droit de le faire, mais nous pensions que peut-être il fallait en parler à Willy Brandt et à Bruno Kreisky.

Une jeune fille se leva d'une table où elle était assise avec un groupe, et se mit à évoluer, toute seule, sur la piste de danse. Avec des mouvements subtils, elle décrivait des cercles sur la musique lascive. Nous la suivions des yeux comme hypnotisés, et peut-être l'étions-nous. Nous aurions pu la regarder toute la nuit, mais au bout d'une vingtaine de minutes elle se rassit, rompant l'enchantement. Nous ne savions pas si c'était une danseuse professionnelle: en tout cas, Arnon, en parfait gentleman européen, se dirigea vers sa table pour la remercier.

Le lendemain, qui était le dernier jour de 1980, nous rencontrâmes le roi.

On nous avait demandé d'être prêts de bonne heure, et quand Ben Souda vint nous chercher, nous comprîmes

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