Lorsque je demandai à Margit, la secrétaire de Kreisky, si je pouvais le voir, elle me transmit de sa part une invitation très agréable. Le chancelier partait faire une tournée électorale près de la frontière hongroise, et serait heureux que je l'accompagne.

Je parlai au chancelier des idées et des projets de Sharon, y compris de son plan d'envahir le Liban, d'en chasser les Syriens, et d'y installer un régime de collaboration phalangiste.

- Mon Dieu! s'écria Kreisky à un moment. C'est épouvantable! C'est exactement le genre d'homme à convaincre le Pentagone.

La suite prouva que sa prédiction était juste.

Tandis que nous passions cette douce journée printanière avec de braves montagnards sociaux-démocrates, à qui Kreisky tint à me présenter comme un vaillant camarade israélien et un défenseur de la paix, la guerre se préparait.

Un an plus tôt, en mars 1981, Issam m'avait ménagé une entrevue avec Pierre Mendès France, à son élégant domicile parisien. Je conversai une heure ou deux avec le fragile vieil homme. Je lui brossai un tableau de la situation en Israël, qui le confirma dans son pessimisme - comme beaucoup de gens, il avait totalement perdu confiance en Shimon Pérès - et je lui parlai des contacts que nous poursuivions avec l'OLP. Je fus surpris de la véhémence avec laquelle il critiqua Arafat.

- Un véritable chef doit prendre des décisions, et non attendre un consensus, disait-il. L'unité est importante. Mais si elle signifie qu'on ne peut rien faire, alors il faut la sacrifier. L'action compte davantage.

Je lui demandai ce qu'Arafat devrait faire, à son

avis.

- Il devrait annoncer qu'il va à Jérusalem pour négocier avec le gouvernement israélien! Et ensuite il devrait se diriger vers le pont et essayer de traverser!

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