Orient au Monde, avec qui j'avais eu une conversation ce jour-là, estimait que le moment était peut-être venu pour ce gouvernement. Le haut commandement de l'OLP pourrait être remplacé par des personnages secondaires assimilés à l'organisation, comme les maires d'Hébron et d'Halhul, Fahd Kawasmeh et Mohamed Milhem, qui avaient été déportés d'Israël.

Issam était optimiste, mais la lenteur du processus l'irritait. Il nourrissait de grands projets, qu'il me confia ce soir-là. Entre autres choses, il voulait organiser la population de la Rive Ouest occupée en un grand mouvement de paix susceptible d'exercer des pressions au sein de l'OLP. Il me demanda d'aller voir sur-le-champ plusieurs personnalités de la Rive Ouest, pour leur transmettre ce message et essayer de savoir ce dont ils auraient besoin pour la réalisation de ce projet.

La veille au soir, pendant le dîner avec Issam, Abou Faysal était arrivé. Il me raconta des histoires étonnantes. Il était resté à Beyrouth après l'évacuation de l'OLP. Il n'était pas combattant, et possédait des papiers libanais en règle. Un matin, il avait entendu un bruit inhabituel, et il avait compris que l'armée israélienne était en train d'envahir Beyrouth-Ouest. Il s'était habillé en vitesse et était descendu dans la rue. Là, il avait croisé un groupe d'officiers israéliens qui lui avaient demandé où habitait Abou Faysal. Il les avait envoyés à son appartement et avait couru se réfugier à l'ambassade de France. Les Israéliens avaient des excuses de ne pas s'être méfié, car personne n'avait moins l'air d'un terroriste qu'Abou Faysal, un petit bonhomme moustachu, rondouillard et jovial. Maintenant il était à Paris, fou d'inquiétude pour ses vieux parents, qu'il avait laissés seuls à Beyrouth et qu'il essayait de faire sortir de la ville. Celle-ci devenait un enfer pour les Palestiniens, qui étaient à la merci de l'armée israélienne, des phalangistes, de l'armée libanaise, et en particulier des services de sécurité libanais, de sinistre réputation. Mon ami Sabri Jirys était toujours là-bas, seul symbole visible de la présence palestinienne, dans les locaux déserts de l'Institut de la Recherche palestinienne,

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