Freij, lui dis-je, m'avait prié de lui faire comprendre l'urgence de la situation.

Arafat m'écouta attentivement.

- J'apprécie la résolution de notre frère Freij, dit-il (les Palestiniens emploient toujours le mot « frère » là où nous dirions camarade). Quelles mesures pratiques propose-t-il?

J'expliquai que selon Freij, l'OLP devrait reconnaître Israël, même unilatéralement, ce qui permettrait au moins d'entamer le dialogue avec les Américains.

- Et le lendemain, Begin annoncera qu'il ne reconnaîtra pas l'OLP, dit Arafat. Ce genre de démarche ne changera pas la politique israélienne.

- Mais elle pousserait les Américains à agir, dis-je.

- Vous pourriez déclarer que vous reconnaîtrez Israël si Israël vous reconnaît, intervint Matti. Ou mieux encore, que vous reconnaîtrez Israël si le gouvernement israélien adopte le programme de notre conseil.

- C'est la proposition franco-égyptienne, fit vivement remarquer Arafat.

Les Français et les Égyptiens avaient en effet soumis une proposition de reconnaissance conditionnelle réciproque au Conseil de sécurité des Nations Unies, mais l'avaient retirée quand il était devenu évident que les Américains y opposeraient leur veto.

J'ajoutai:

- Freij m'a dit aussi que plusieurs dirigeants de la Rive Ouest craignent toujours de coopérer avec les forces pacifistes israéliennes, tant que l'OLP n'aura pas déclaré franchement qu'elle l'approuve.

- Nous l'avons déjà fait, lança Arafat. Mais nous le répéterons. Je m'adresserai à chacun d'eux personnellement pour lui demander de le faire.

C'était un grand jour pour Issam, la grande victoire personnelle qu'il attendait depuis des années, après avoir vu ses contacts démentis par Kaddoumi, et supporté le mépris des journalistes et des hommes politiques israéliens, qui voulaient le faire passer pour un marginal, un aventurier, qui faisait cavalier seul et ne représentait rien ni personne.

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