A travers cet extrait, Uri Avnery définit, par opposition à la composante "sentimentale" du "camp de la paix" israélien, son pacifisme politique. Depuis au moins la guerre des Six-Jours, ce pacifisme a été pour lui une constante qui s'est construite sur un raisonnement politique portant sur l'évaluation concrète des situations et des solutions possibles. En même temps ce pacifisme s'est fondé et affirmé sur la conviction que, non seulement la violence militaire ne résout rien mais aussi que l'état de guerre permanent au Moyen-Orient est une réalité politique qui concerne les rapports politiques, institutionnels et juridiques dans la région. Donc l'alternative à la guerre est politique, institutionnelle et juridique, ce qui entraîne que le mouvement de paix - le camp de la paix - doit vite dépasser la dimension morale et acquérir une dimension politique, quitte à perdre son "innocence" et à se positionner comme acteur politique autonome face aux enjeux auxquels est confrontée la société israélienne. Ce choix suppose donc une pratique politique qui, dans une situation d'extrême violence, requiert une détermination sans faille, d'autant que cette pratique s'accompagne de la construction dans la société d'une "culture de la paix" face à une hégémonie écrasante et terrorisante d'une "culture de la guerre" particulièrement développée.

Les éléments constitutifs de cette culture de la paix ressortent de la façon dont Uri Avnery et ses amis de Gush Shalom ont mené et pensé leur lutte politique pendant toute cette seconde Intifada. Ainsi lorsqu'il écrit que "les instruments pour la solution des conflits doivent être globalisés"2, il prend acte à l'époque de l'unilatéralisme américain, de la nécessité à la fois d'une approche globale de la sécurité et d'un système de sécurité collective restituant rôle, compétences et vigueur à l'ONU. Du même coup il prend en compte le concept de "sécurité commune" issu de la grande mobilisation européenne contre les euromissiles dans les années 80.

Ce concept signifie que la sécurité de l'un ne se fonde pas sur l'insécurité de l'autre. En clair, la sécurité d'Israël ne peut être fondée sur l'insécurité des Palestiniens mais, bien au

2. "Tours jumelles", 15 septembre 2001, cf. pp. 142-145.

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