Les Etats-Unis sont tout à fait incapables d'utiliser leur immense pouvoir au Moyen-Orient d'une façon impartiale, juste et même simplement logique. Il y a de nombreuses raisons à cela. Des pressions politiques intérieures - non seulement du lobby juif organisé mais également du tout aussi puissant mouvement évangélique fondamentaliste - exercent une influence incommensurable en faveur du gouvernement Sharon au Congrès et à la Maison Blanche. Les stratèges américains entendent établir un contrôle militaire sur les champs pétrolifères et utiliser l'armée israélienne comme force auxiliaire.

Par-delà ces raisons, je crois que la psyché américaine s'identifie avec Israël, parce que, en justifiant le présent israélien, elle justifie également le passé américain. Consciemment ou inconsciemment, les Américains identifient les Palestiniens à leurs "Peaux-Rouges". Sharon ressemble à leurs "Indian flghters" (chasseurs d'indiens), la Cisjordanie occupée à leur Far-West, les colons - beaucoup d'entre eux sont d'ailleurs des juifs américains - à leurs cowboys. En justifiant ce qu'Israël fait actuellement, ils justifient, d'une certaine façon, les crimes commis par les générations passées d'Américains, crimes qui n'ont jamais été réellement reconnus.

Quoi qu'il en soit, les Etats-Unis ne peuvent jouer aucun rôle positif de médiation dans le conflit israélo-palestinien. Cela fait peser une lourde charge sur l'Europe. La France, en tant que puissance européenne ayant les plus anciennes relations avec le Moyen-Orient, qui remontent à plus de mille ans, a un rôle particulier à jouer dans cet effort européen.

Pour le moment, l'Europe essaie désespérément de se dérober à son devoir. Mais l'abdication n'est pas une politique, et les obligations morales et concrètes doivent conduire à une intervention résolue en faveur de la paix. Cinquante-sept ans après la fin de l'Holocauste, le sentiment de culpabilité pèse encore sur l'Europe. Il est vrai que certains ne ressentent le poids de cette culpabilité que maintenant seulement. Ceci est en soi un phénomène positif. La question est de savoir si ce sentiment de culpabilité conduit l'Europe à une politique plus morale ou, au

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