Rabin m'a dit qu'il avait adhéré à l'option jordanienne jusqu'à l'Intifada, quand le roi Hussein avait annoncé qu'il quittait le jeu et abandonnait toute prétention sur la Cisjordanie. Même avant, Ariel Sharon avait tenté de mettre sur pied un groupe de Quisling palestiniens (les "Ligues de villages"), qui n'a suscité que des moqueries parmi les Palestiniens. Quand Rabin a été nommé ministre de la Défense, il a invité des responsables palestiniens locaux à le rencontrer, individuellement et en groupes. Tous lui ont dit: "Tant que nous sommes sous occupation, nous ne pouvons pas négocier. Notre adresse politique est l'OLP d Tunis".

Par la suite, le Premier ministre, Yitzhak Shamir, a été contraint d'assister à une conférence de paix à Madrid. Il a refusé, bien sûr, de s'asseoir avec une délégation palestinienne. Donc, une délégation commune "jordanienne-palestinienne" a été formée, mais elle s'est vite scindée en deux.

Ainsi la délégation israélienne s'est trouvée en face d'une délégation palestinienne. Fayçal Husseini, son chef, était un résident de Jérusalem et par conséquent n'était pas admis dans la salle. Il donnait ses ordres à la délégation dans la salle voisine.

La situation devenait ridicule. Chaque fois que les Israéliens proposaient quelque chose, les Palestiniens disaient: "Faisons une pause. Nous devons téléphoner d Tunis et avoir la réponse d'Arafat". Rabin en a tiré la conclusion logique: si de toutes façons c'est Arafat qui prend toutes les décisions, il vaudrait mieux lui parler directement. (Afin de lever le doute, je dois mentionner que j'ai publié tous ces faits dans mon livre Mon frère, l'ennemi12 quand Rabin était encore en vie. Il n'a jamais démenti quoi que ce soit).

Quand il a agréé les principes d'Oslo, Rabin n'était pas prêt à faire le grand saut pour parvenir à la paix directement. Il était lent et prudent de nature et, contrairement à Begin, il était contre les mesures spectaculaires. Au lieu de payer immédiatement le prix total pour la paix totale, ce qui signifierait un Etat palestinien avec Jérusalem-est comme capitale, dans les frontières d'avant 1967, et le retour des colons en Israël, il préférait avancer

\2.Mon frère, l'ennemi, Editions Liana Levy, Paris 1986.

30