Cela commence la veille de la Pâque. La cérémonie a été fixée de façon définitive il y a des siècles, mais elle s'adapte aux formes les plus modernes de la psychologie et de la pédagogie. C'est un exercice de suggestion qui confine au génie.

Elle prend place dans les cercles familiaux les plus intimes. L'atmosphère procure la chaleur et la sécurité. Chacun, du plus âgé au plus jeune, participe. Chacun a une tâche bien définie. Chaque détail est fixé: combien de verres de vin il faut boire et quand, quand et quoi manger. Tous les sens sont activés: la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat, le toucher. La cérémonie se grave dans l'esprit des jeunes enfants pour toute la vie. Elle est renforcée à chaque répétition annuelle.

Le livre lu à haute voix pour l'occasion est la Hagada (littéralement: le récit). Il fixe le mythe national pour toujours dans l'esprit de l'enfant. "Nous étions esclaves du pharaon d'Egypte" - l'image fondamentale du peuple juif comme victime. "A chaque génération, ils ont essayé de nous annihiler" - la certitude qu'"ils" (toutes les nations, dans tous les pays, de tous temps) ont toujours tenté, et tenteront toujours, d'annihiler le peuple juif. De là émane la conviction que le peuple juif est unique, un peuple seul, l'éternel persécuté, différent de toutes les autres nations et séparé d'elles. Et le point culminant: "Répandez votre colère sur les goys", un appel à Dieu pour qu'il venge les juifs.

Le mot goy a un double sens. En hébreu classique, goy est simplement synonyme de peuple. Les juifs aussi sont un goy, quoique un "goy sacré". Au cours des temps, le mot a signifié "les autres peuples", et à partir de là il a été attaché à l'individu. Aujourd'hui le goy est un non-Juif, qu'il soit arabe ou russe, éthiopien ou d'Alaska. Un abîme existe entre juifs et goys. La Cabale, un mouvement qui est devenu de plus en plus important à l'intérieur de la communauté religieuse en Israël, considère les goys comme plus proches des animaux que des humains - qui sont, bien sûr, les juifs.

Il faut garder à l'esprit que la Hagada est née dans la diaspora, quand les juifs étaient sans défense et incapables de se venger pour leurs souffrances. Mais quand la Hagada est lue dans le nouvel Etat d'Israël, qui possède une armée puissante,

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