A aucune époque, un Etat n'a eu un tel pouvoir sans limites. Même l'Empire romain, à son zénith, ne peut lui être comparé. Les Romains ont toujours eu une puissance rivale face à eux: la Perse. Pour vaincre, ils devaient envoyer des légions et sacrifier des vies humaines sur des champs de bataille éloignés. De temps à autre, ils subissaient de terribles défaites. Aucune victoire n'était facile et en tout cas pas sans coût.

Au contraire, les Etats-Unis sont aujourd'hui la seule grande puissance sur la terre. Aucun autre Etat ne peut les égaler ; aucune puissance militaire ou économique ne peut rivaliser avec eux. De leur expérience afghane ils peuvent tirer la conclusion qu'il n'est pas besoin d'envoyer des soldats où que ce soit: les bombardiers peuvent écraser toute opposition avec des bombes sophistiquées.

En l'absence d'ennemis, l'Amérique doit s'en inventer. L'"Islam" ou "le terrorisme international" (l'un étant assimilé à l'autre) joue ce rôle. Dans un pays fondé sur le mythe du Far West, les bons (l'Amérique) ont besoin des méchants pour exister.

"Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument", a dit Lord Acton, ajoutant que les "grands hommes sont toujours des méchants". Ceci s'applique encore plus aux grandes puissances. Quand un Etat possède une puissance illimitée, il est tout à fait incapable de pratiquer la sagesse, la modération ou la modestie. Comme un drogué qui devient de plus en plus dépendant de sa drogue, une grande puissance devient de plus en plus encline à utiliser la force en toutes circonstances, contre quiconque ose faire, à tort ou à raison, obstacle à sa volonté. Le pouvoir sera également utilisé à l'intérieur, pour restreindre des libertés acquises par des siècles de luttes.

Les quelques dernières semaines nous ont déjà donné un avant-goût de ce qui peut se passer. Pendant qu'ils se préparaient pour la "guerre contre le terrorisme", les Etats-Unis ont fait preuve d'une prudence et d'une retenue considérables. Ils ont courtisé les gouvernements européens et du monde entier. Ils ont construit une large coalition d'Etats arabes. Mais dès lors que le président Bush a constaté qu'il n'avait besoin d'aucune

174