Nasser ne comprit pas davantage la rapidité de la réaétion israélienne. Notre pays est petit, beaucoup plus petit que ne l'imaginent la plupart des gens. Pour survivre, il nous faut d'abord décourager tous ceux qui veulent nous faire la guerre. Si nous ne parvenons pas à les dissuader, nous n'avons plus qu'à frapper et à vaincre rapidement. En cas d'échec, c'eSt l'invasion. Notre territoire étranglé ne pourrait pas l'affronter. Au lieu d'expédier ses troupes discrètement au front, Nasser les fit défiler à travers Le Caire, fanfare en tête et jusque sous les fenêtres de l'ambassade américaine. Il espérait sans doute nous impressionner et nous faire renoncer à toute aétion militaire. Ce fut en fait le meilleur moyen de nous lancer dans la bataille. En menaçant notre frontière, Nasser avait fait se déclencher le dispositif d'alerte, toujours prêt à fonctionner dans notre pays. Nous vivons comme dans une forteresse assiégée. Aussitôt que la sentinelle sonne l'alarme, tout le monde accourt sur les remparts pour repousser l'assaillant. En une minute notre pays paisible se transforme en camp retranché.
En l'espace d'une nuit, Nasser avait créé, sans le vouloir, une situation de guerre. Il commit sa seconde erreur avant même de s'en être aperçu. Depuis la guerre du Sinaï en 1956, les frontières entre l'Égypte et Israël et les plages du golfe d'Akaba étaient contrôlées par les Casques bleus. Cette armée n'avait pas de rôle mili-taire. Elle permettait seulement à Nasser de ne pas perdre la face aux yeux du monde arabe. Grâce à elle, il pouvait ne rien faire qui puisse provoquer une riposte israélienne.
Pour la plupart des Arabes, Israël eSt une enclave étrangère incrustée sur une terre qui leur revient de droit. Il serait impensable pour un Arabe de laisser passer un bateau israélien dans le port d'Elath puisque les Égyptiens en ont le contrôle. De même, un gouvernement arabe qui oserait empêcher les terroristes de pénétrer dans la" Palestine occupée " ferait figure de traître. Mais Nasser sait bien depuis 1956 que laisser les terroristes s'infiltrer, ou empêcher les navires israéliens de passer, reviendrait à provoquer le gouvernement israélien. La présence des forces de l'O.N.U. dans la région lui permettait donc " mine de rien ", de garder le détroit