Après la guerre des Six jours, j'appris que Youlik avait été tué au cours de l'attaque contre les collines fortifiées de Syrie. Ce fut un choc pour moi.
Je n'avais pas revu Youlik depuis quinze ans et l'image que je garde encore de lui eSt celle d'un garçonnet plein de taches de rousseur, pas bien beau mais d'une extrême vivacité et parlant un hébreu fleuri comme seul peut le parler un enfant de kibboutz.
Ma première réaction en apprenant la nouvelle fut de demander comment ses parents, Gricha et Nadia " avaient pris ça ". Ils l'avaient pris comme il fallait s'y attendre, sans montrer aucun signe de chagrin, essayant au contraire de réconforter ceux qui accouraient pour les consoler.
J'avais connu Gricha et Nadia à l'époque où j'étais le camarade de leur fille qui m'emmenait passer les fêtes juives dans son kibboutz. Ils avaient dû être pour le moins choqués de la voir sortir avec un garçon de la ville et de surcroît notoirement connu pour son antisionisme. Pour eux prétendre n'être pas sioniste était aussi étrange que prétendre ne pas être un homme. Pourtant ils me traitaient comme leur hôte, ils m'accompagnaient au réfectoire à tous les repas pour me protéger des regards hostiles des autres membres du kibboutz eux aussi Stupéfaits par la bête curieuse que j'étais.
Pendant ces repas frugaux et mal cuisinés, je regardais Gricha et Nadia et je me demandais ce qui faisait leur force. Nadia avait l'air d'une dame de la haute société de Saint-Pétersbourg. Qu'eSt-ce qui avait bien pu la pousser, encore adolescente, à quitter sa