taire d'une usine ou renverser un groupe de politiciens. Aussi profondément qu'elles aient changé la vie de leurs peuples, dans quelle mesure les grandes révolutions de notre siècle, - la bolchevique, la chinoise, l'algérienne - ont-elles affeété la vie quotidienne des individus?
Le sionisme eSt en fait beaucoup plus révolutionnaire. Il pousse des gens à quitter leur pays pour aller vivre ailleurs une vie radicalement différente, renonçant à leur classe sociale d'origine, à leur langue, à leur culture, à leurs attaches sentimentales, rompant brutalement avec leur vie passée pour en reconstruire une nouvelle. Les seuls précédents qu'on puisse lui trouver sont la Première Croisade ou le voyage des émigrés qui fondèrent les États-Unis.
Le sionisme eSt encore dans son enfance. Pour le comprendre, il faut se demander où et quand il eSt né. Officiellement, il eSt apparu à la fin du siècle dernier avec Théodore Herzl dont le portrait eSt le seul ornement de la Knesset où il trône, tel un roi assyrien, grand, beau, barbu.
Théodore Herzl, journaliste autrichien, était correspondant en France à l'époque de l'affaire Dreyfus, et il y fut très impressionné par l'antisémitisme outrancier de cette période. Il acquit alors la conviâion que les Juifs ne pourraient jamais trouver leur place dans une communauté européenne et qu'il leur fallait par conséquent former leur propre nation. Le sionisme eSt le produit de l'esprit nationaliste de la fin du xixe siècle.
A cette époque le nationalisme était le fait de tous les peuples, même les plus arriérés d'Europe de l'ESt. Il se développa aussi chez les Juifs qui ne constituaient pourtant pas une nation au sens où on l'entend habituellement puisqu'ils étaient éparpillés dans tous les pays d'Europe.
Herzl décida de leur procurer artificiellement les attributs d'une nation en leur donnant tout d'abord un sentiment national et ensuite un territoire pour y vivre une vie nationale. Le sionisme eSt en quelque sorte le dernier des mouvements nationaux d'Europe. Il eSt apparu avec force au moment même où les autres nationalismes d'Europe occidentale et centrale perdaient de leur vigueur, au moment où le nationalisme en tant que manifestation d'une culture occidentale, en tant que réponse à des défis éco¬