quitter l'aéroport. Ils avaient donc décidé de se rendre en bateau à Chypre, d'où ils prendraient l'avion. Mais au dernier moment, ils avaient changé d'avis, et pris l'avion à Damas, un choix dangereux, parce que les Syriens n'aimaient pas Sartawi. En arrivant à Paris, ils avaient appris que le bateau qu'ils auraient dû prendre avait été intercepté en haute mer par la marine israélienne et livré à un navire phalangiste, qui l'avait emmené dans le port de Junia, une place forte phalangiste. Là, tous les passagers palestiniens avaient été massacrés.

Nous nous engageâmes à faire une enquête. A notre retour en Israël, Matti Peled demanda au Premier ministre Itzhak Rabin, avec qui il avait servi à l'état-major général, de chercher ce qui s'était passé. Rabin démentit cette histoire, et quelque temps après il invita Peled à étudier le dossier lui-même. Il contenait un rapport d'un commandant de la marine israélienne qui avait en effet repéré et poursuivi un navire allant de Beyrouth à Chypre. Pendant la poursuite, une unité navale phalangiste avait fait son apparition, et le navire israélien avait quitté les parages. Manifestement, le récit de Sartawi était vrai.

18 octobre 1976: la villa où avait lieu la rencontre était très confortable. Après nous avoir accueillis, Curiel et ses amis nous laissèrent seuls. Trois Palestiniens et quatre Israéliens, des ennemis venus respectivement de Beyrouth et de Tel-Aviv, se faisaient face de chaque côté d'une petite table chargée de tasses de café et de sucreries. Sartawi jouait avec un masbahah, un chapelet de perles.

La conversation dura deux jours, presque sans interruption, à huis clos. Elle se poursuivait pendant les repas avec nos hôtes, au cours de promenades dans les bois. C'était un mélange varié: tantôt un débat politique qui parfois tournait à l'orage, tantôt un échange d'analyses ou de plaisanteries. Nous nous racontions des souvenirs, essayant de nous jauger mutuellement. A un moment Sartawi récita

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