On le voit, pour Uri Avnery la paix est tout sauf indifférence passive. Elle n'est pas un simple "non a la guerre", mot d'ordre toujours inadéquat s'il n'est pas accompagné par un projet politique, un projet de coexistence entre les peuples qui se situe d'emblée dans une perspective de réconciliation historique8.
En dernière instance, la paix est un projet civilisationnel multiculturel. Dans un monde en marche vers la guerre globale, Uri Avnery suggère une idée-force: le fondement d'un ordre mondial alternatif doit reposer sur le principe de la paix ainsi conçue comme élément systémique et ordonnateur des relations entre les hommes sur le plan politique mais aussi sur les plans institutionnel, social et symbolique.
Pour être mené à bien, ce projet se construit aujourd'hui à partir d'une stratégie et d'un programme pour une paix juste et durable, ce qui nécessite l'emploi de tous les moyens de la politique y compris en inventant, face au déclin des forces traditionnelles et de leurs formes institutionnelles, de nouvelles méthodes d'action.
Cette culture de la paix, complexe et moderne, intégrant les apports des nouveaux mouvements sociaux de la deuxième moitié du XXe siècle, permet à Uri Avnery une autre lecture pour "raconter" la période dramatique que constituent ces deux ans d'intifada. Elle lui permet en particulier de décrypter les événements et les comportements du système israélien en les soumettant à une impitoyable reconstruction-déconstruction. Il en résulte un formidable vent frais balayant tout le système de mensonge mis en place par la politique israélienne de communication depuis le début de l'Intifada.
Tout ce que Uri Avnery nous raconte et nous explique sur Camp David et Taba, sur la façon dont Barak, le gouvernement et la société israélienne riont pas encore vraiment intériorisé les éléments centraux du conflit, donne le récit le plus percutant pour liquider définitivement (?) tout le discours monté et entretenu ad nauseam sur les trop fameuses "offres généreuses" du "petit Napoléon" israélien.
8. Voir les 80 thèses pour un nouveau camp de la paix (cf. Annexe II, p. 281).