contraint d'abandonner le poste. S'il ne le fait pas volontairement, une Pression Physique Modérée17 pourrait s'appliquer.

Cette affaire a un autre aspect qui doit être pris en considération. Aux lendemains de la guerre des Six-Jours, le prophète Isaïe (Leibovitz18) a prédit que l'occupation ferait de nous une nation de contremaîtres et de shin-betniks. Cette prophétie s'est réalisée. Dans d'autres pays, les gens des services secrets travaillent dans l'ombre. Même après leur retraite, ils se tiennent tranquilles. Mais en Israël, ils sont élus de la Knesset, ils figurent dans les potins des journaux, ils s'affichent dans les réceptions de la haute société, ils parlent dans les débats télévisés et écrivent des commentaires dans les journaux. Maintenant, on les envoie à l'étranger comme ambassadeurs.

Et le ministre des Affaires étrangères Shimon Pérès explique que Gilon, le grand patriote, a agi au nom des lois d'Israël et n'a fait que suivre les ordres. Cela signifie pour les Danois que quelque chose est pourri dans l'Etat d'Israël. "Suivre seulement les ordres" résonne d'une manière terrible pour les gens doués de mémoire. Les Danois, semble-t-il, se souviennent.

Il faut espérer que l'affaire Gilon mettra fin à ces nominations. Le slogan sera: "Shin-betnik, stay home!"

Parallèlement à l'affaire Gilon survient l'affaire Sharon en Belgique. Celle-ci a aussi des implications d'une grande portée.

Elle a commencé il y a des années mais personne ne l'a remarqué à l'époque. Le général Amos Yaron, une vedette de l'affaire Sabra et Chatila, a été envoyé comme attaché militaire aux Etats-Unis et au Canada. Quand le massacre a eu lieu, Yaron était l'officier responsable dans la région. Elie Obeïka, le commandant phalangiste, a orchestré le massacre à partir des toits du poste de commandement de Yaron. Les officiers de Yaron ont appris ce qui était arrivé et le lui ont dit. Après la guerre, Yaron - c'est à son crédit - a admis que "nous avions un peu perdu la raison".

17. Allusion ironique à une décision de la Cour suprême d'Israël légitimant la torture.

18.1903-1994. Philosophe et expert en judaïsme. Cf. Yechayahou Leibovitz, La mauvaise conscience d'Israël, entretiens avec Joseph Algazy, Le Monde éditions, novembre 1994.

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