8 septembre 2001
"L'armée israélienne n'a pas d'Etat!" a déclaré Ariel Sharon cette semaine, après que le chef d'état-major eut tenté de créer un fait accompli à son insu.
Je ne suis par sûr que Sharon sache d'où vient cette phrase. Elle a été écrite par le comte Honoré de Mirabeau, l'un des instigateurs de la Révolution française, dans son essai sur la Prusse. Après avoir dit que "la guerre était l'industrie nationale de la Prusse", Mirabeau ajoutait que, alors que dans les autres pays l'Etat a une armée, en Prusse l'armée a un Etat.
Il a été dit plus d'une fois qu'Israël est "la Prusse du MoyenOrient". J'ai essayé d'analyser les origines de cette ressemblance.
L'Etat prussien est né d'un holocauste, avant lequel il n'était qu'un petit Etat allemand, appelé Brandebourg à l'époque. En 1618, la guerre de Trente ans a été déclenchée, tuant le tiers du peuple allemand et dévastant la plupart des villes et des villages. Elle a laissé derrière elle un traumatisme qui n'a pas encore complètement disparu.
Presque toutes les principales armées européennes ont pris part à la guerre de Trente ans, et toutes se sont affrontées sur le sol allemand. L'Allemagne est située au centre de l'Europe et n'a pas de frontières naturelles. Aucune mer, aucun déserts, aucune chaîne de montagne ne la défendent. Après le désastre, les dirigeants de la Prusse en ont tiré la conclusion évidente: si nous n'avons pas de barrières naturelles pour nous défendre, nous devons créer une barrière artificielle sous la forme d'une armée régulière, puissante et efficace. C'est ainsi qu'est née l'armée prussienne, une force destinée à défendre la patrie et qui, au cours des temps, est devenue la terreur de ses voisins, jusqu'à ce que, finalement, elle devienne l'armée nazie, ironiquement appelée la Wehrmacht: la "force de défense".