Pour ceux qui connaissent Sharon, c'était à la fois triste et effrayant à voir: un public naïf suivant un joueur de flûte d'Hameln.
Sharon se fiche éperdument de la paix et de la sécurité. Pour lui, ce sont des signes de faiblesse et de dégénérescence. Dès qu'il a été au pouvoir, il s'est donné un programme tout à fait différent: détruire les accords d'Oslo, remplacer l'Autorité palestinienne et ses forces armées, donner un nouvel élan au mouvement de colonisation. Pour ce faire, il s'est acquis Shimon Pérès à bon compte, afin de camoufler ses véritables desseins aux yeux du monde, et il a commencé la grande campagne. (En réalité il l'avait commencée bien plus tôt, quand il s'était rendu au Mont du Temple et avait allumé l'incendie).
Ceux qui affirment que "Sharon n'a aucun plan politique" ont totalement tort. Il a un plan clair: continuer l'offensive et liquider la direction palestinienne, pour casser le moral du peuple palestinien, amener le Hamas au pouvoir, de façon à pouvoir dire qu'il n'y a aucun interlocuteur. Il pense que les Palestiniens vont probablement fuir le pays (comme en 1948) ou se résigner à vivre dans plusieurs enclaves séparées et encerclées (comme les bantoustans sud-africains).
Face à cette attaque, Arafat utilise la stratégie palestinienne classique: Summud (Ténacité). Survie. Ne pas bouger. Ne pas abdiquer. Ne pas se laisser entraîner dans une guerre civile. Utiliser les maigres moyens de son arsenal - l'action politique, la diplomatie, la violence, en doses variées - pour permettre à son peuple de tenir. Son plus grand atout est la faculté de ce dernier à supporter les sanctions, ce qui rend les généraux israéliens fous de rage.
La bataille est loin d'être terminée. Je crois qu'elle se terminera par un match nul, ce qui ne sera pas un mince exploit pour la partie la plus faible. Et le match nul conduira, inévitablement, à un compromis historique.